17 décembre 2021 à 11h54 par Simon Haberkorn 2 332 2
Mercyless : 35 ans de metal « made in Mulhouse »
17 décembre 2021 à 11h54 par Simon Haberkorn2 3322
Les amateurs de death-metal le savent, Mulhouse compte en ses murs l’un des groupes légendaires de la scène française et européenne : Mercyless. Le groupe, qui s’apprête à fêter ses 35 ans de carrière, sera sur la scène du Noumatrouff ce samedi 18 décembre, dans le cadre du festival Locomotiv. Une belle occasion de revenir sur le parcours du combo, avec son leader de toujours, le charismatique et sympathique Max Otero.
Vous vous souvenez de vos débuts, à la fin des années 1980 ?
On s’est formé en 1987, au début de l’explosion de la scène du métal extrême, avec l’envie de créer notre histoire et de bouffer le monde ! On était très jeunes et on avait beaucoup de choses à prouver. Au début, sur les premiers morceaux et les premiers concerts, on ne maîtrisait pas grand-chose ! On a grandi et appris la musique en écoutant Slayer, Metallica ou Mercyful Fate et, au départ, on jouait plutôt du thrash assez sombre. Le premier choc, ça a été la découverte de Venom et d’Hellhammer, puis celles de Possessed et Death, les premiers groupes de death américains. Le death à la base, c’est du thrash mais accordé différemment et avec un tempo accéléré ou ralenti, pour avoir cette ambiance sombre qui colle à l’imagerie et aux textes tirés des livres fantastiques et des films d’horreur. C’est aussi plus sérieux et plus pointu que le thrash et à la fin des années 80, c’était une musique qui se résumait à du « bruit » pour la plupart des gens, y compris les professionnels de la musique !
Comment le death-metal a-t-il réussi à s’imposer, au début des années 90 ?
A l’époque, c’était vraiment une scène à part qui se créait en parallèle sur les différents continents, des Etats-Unis à l’Europe sans oublier l’Amérique du Sud, sans aucune visibilité médiatique. Tout se passait dans l’underground, avec l’explosion du Do It Yourself et du tape-trading (Ndlr : échange de cassettes), qui a vraiment construit cette scène. Il fallait se battre pour exister et, pour moi, le point culminant de cette époque, c’est la création de liens qui sont restés très forts au fil des années. Il faut se souvenir qu’à l’époque, on ne pouvait pas enregistrer un album facilement comme aujourd’hui. Il fallait aller dans un studio et faire vite car ça coûtait de l’argent ! Je crois que ce côté très naturel et direct a beaucoup apporté à la musique d’alors. Aujourd’hui, l’aspect instantané et « naïf » a disparu mais, pour nous, ce fut une sacrée école.
On a enregistré trois démos qui nous ont permis de nous perfectionner et de nous faire connaître, surtout à l’étranger. Notre nom et nos maquettes ont commencé à circuler, on a vendu 1 500 cassettes de notre dernière démo alors que la scène était en pleine progression : les chefs de file du mouvement ont commencé à vendre pas mal de disques. Il y a eu un engouement et les maisons de disques ont commencé à s’intéresser au death-metal. C’était un travail de longue haleine, pour obtenir peu de choses, trouver des concerts à l’époque prenait énormément de temps, même pour simplement aller jouer dans la vallée de Masevaux !
« Ce côté très naturel et direct a beaucoup apporté à la musique d’alors »
En 1992, vous sortez votre premier album Abject Offerings, avec le producteur anglais Colin Richardson, qui est depuis devenu l’un des producteurs emblématiques du métal. Comment s’est passée cette rencontre ?
On avait 19 ans à l’époque, on était encore complètement innocent et on ne savait pas ce que faisait un producteur ! Colin Richardson n’était pas encore connu à ce moment-là et c’est notre label qui l’avait démarché. Il a débarqué un jour à la gare de Mulhouse, c’était seulement la deuxième fois qu’il voyageait hors d’Angleterre, et on s’est retrouvé dans le studio de Renaud Hebinger à Pfastatt. On a passé un mois à enregistrer avec lui et il nous a appris des tonnes de choses, on a noué une vraie complicité et on a vraiment compris le rôle et le travail d’un producteur. Colin croyait beaucoup en l’album, qui avait, pour lui, le potentiel d’être l’un des meilleurs albums du genre à ce moment-là…
Il ne s’est pas trompé du coup !
L’album a effectivement eu de très bons retours, notamment en Angleterre et dans le reste du monde. Même le magazine Kerrang, connu pour son intransigeance, l’a validé, c’était un choc pour nous ! D’un seul coup, tout le monde voulait signer Mercyless ! Je n’avais aucune expérience du show-business et je recevais des appels du monde entier, de labels, de managers… Nous avons pu signer sur Century Media, un gros label, pour notre deuxième album Coloured Funeral, en 1993. La scène extrême était alors bien installée et nous avons tourné dans toute l’Europe avec les plus gros noms du death : Death, Cannibal Corpse, Obituary… Nous n’avons malheureusement jamais eu l’opportunité de tourner en Amérique, alors que les retours y étaient très bons. C’est à ce moment-là que la vague du grunge est arrivée et a complètement éteint la scène death-metal…
C’est là que vous faites évoluer votre son et entrez dans une période compliquée…
On avait commencé très jeunes et joué beaucoup un peu partout, en très peu de temps. Nos vies avaient changé, certains membres du groupe aussi et nous avons voulu trouver de nouvelles influences, avec un côté plus progressif, l’ajout de synthétiseurs… C’était une énorme erreur et je reconnais bien volontiers que nous avons fait n’importe quoi ! C’était une période étrange, où le death n’avait plus de reconnaissance et les deux albums que nous avons fait à ce moment-là ne sont pas du tout représentatifs de ce qu’est Mercyless. Malgré tout, on apprend aussi dans ces moments-là ! Suite à ça, nous avons mis le groupe en pause, en 2000, mais nous avons continué à faire de la musique, nous n’avons jamais arrêté de jouer. On s’est concentré sur la production et l’apprentissage des nouveaux outils numériques et avons monté le projet électro-expérimental Day Off Sin.
« La flamme ne s’est jamais éteinte… »
En 2010, Mercyless renaît de ses cendres, et sort trois albums (Unholy Black Splendor en 2013, Pathetic Divinity en 2016 et The Mother Of All Plagues en 2020) salués par les fans et la critique. Qu’est-ce qui vous a poussés à revenir ?
La flamme ne s’est jamais éteinte, on voulait revenir mais pas n’importe comment. On s’est donné les moyens, en jouant énormément, en recommençant de tout en bas. Le fait de jouer beaucoup, sans artifices, nous a redonné confiance et nous a permis de renouer avec les fans. La scène a toujours été notre école et on avait vraiment besoin de prouver que le « vrai » Mercyless était revenu. On ne transige pas avec l’authenticité ! Cette musique, soit on la fait à fond, soit on ne joue pas du tout. Tant qu’on ne passera pas pour des guignols sur scène, on continuera !
Que représente Mercyless pour toi ?
Mercyless est une entité très importante pour moi, cette musique, je l’ai dans la peau depuis toujours. C’est un exutoire, un moyen de vidanger mes pensées. Je suis très fier que les fans nous suivent toujours et que nos premiers albums soient reconnus à l’international. On a apporté notre pierre à l’édifice, ne serait-ce que pour contribuer à construire la scène française.
Quels sont tes meilleurs souvenirs avec le groupe ?
La reconnaissance internationale du premier album a été hyper satisfaisante et importante, elle nous a construits. Le fait de rencontrer les musiciens dont les posters ornent ta chambre d’adolescent et qui ont apprécié ton disque, c’est assez génial aussi ! Plus simplement, je retiens toutes les rencontres et les amitiés qu’on a pu nouer au fil des années. Je suis très heureux de pouvoir continuer à répéter toutes les semaines, à jouer cette musique qui nous passionne !
« Continuer à jouer cette musique qui nous passionne »
A l’inverse, quels ont été les moments plus difficiles ?
Le côté business de la musique est vraiment pénible et peut très vite te fatiguer, tu investis beaucoup de temps, d’énergie et d’argent et au bout d’un moment, physiquement et psychologiquement, tu arrives au bout… Pas mal de gens nous ont aussi craché à la figure dans les périodes plus dures du groupe : c’est quelque chose que je peux comprendre en tant que passionné de musique, on a du mal à voir les groupes qu’on aime changer de style et de son. Cela a été dur mais ça nous a poussé à montrer qu’on savait rebondir. Le plus difficile est sans aucun doute d’être confronté aux décès des anciens membres du groupe, qui sont restés des amis. C’est très difficile et ça te remet les idées en place sur ce qui est vraiment important.
Comment s’annonce le futur du groupe ?
La motivation et la passion sont toujours là ! Suite au Covid, on a pu reprendre les concerts depuis quelques mois et on a beaucoup travaillé sur de nouveaux morceaux qui devraient constituer le prochain album, d’ici fin 2022. Le groupe garde une belle cohésion et on tient à toujours répéter tous ensemble dans la même pièce, au Noumatrouff, et pas à distance pour rester connectés et se parler. On est de la vieille école ! Laurent Michalak est notre batteur depuis de nombreuses années, Stéphane Viard, mon complice depuis le début, a malheureusement dû arrêter de jouer de la guitare mais il est toujours proche du groupe. C’est Gauthier Merklen, le frère de Matthieu, notre ancien bassiste, qui le remplace alors que Yann Tligui est lui notre bassiste, depuis 2017. On est très heureux de partager un bon moment à se faire plaisir sur scène à la maison, ce samedi 18 décembre au Noumatrouff !
+ d’infos : www.facebook.com/mercylesscult
Retrouvez Mercyless au festival Locomotiv
Après une première soirée du festival Locomotiv, samedi 11 décembre, avec notamment Crown et Smash It Combo, le Noumatrouff accueille deux très belles soirées de concerts, dédiées à la scène locale et gratuites. Ce vendredi 17 décembre, place au rock sous toutes ses formes avec The Hook, Kamarad, Fragile Figures, No Cex Apple, Trigger King et Smoke and Mirrors. Samedi 18 décembre, le métal sera à l’honneur avec Mercyless, Post-Mortem, Toward The Throne, Spit Your Hate, Dislocate et Breath From The Void.
Vendredi 17 à partir de 18h45 et samedi 18 décembre à partir de 19h30 au Noumatrouff. Restauration sur place. Gratuit. + d’infos sur www.noumatrouff.fr
Je connaissais pas, je vais écouter 😉
Bonne vacances les namis
Super interview …. juste une chose on dit ‘thrash metal’.