25 mars 2022 à 10h36 par Christophe Schmitt 1 842 0
Ecole de chimie : « On doit montrer ce que la chimie apporte à la société »
Ecole de chimie : « On doit montrer ce que la chimie apporte à la société »
25 mars 2022 à 10h36 par Christophe Schmitt1 8420
Professeur à l’Ecole nationale supérieure de chimie de Mulhouse (ENSCMu) depuis 2013, Jean-Philippe Goddard en a pris la direction en décembre dernier. Entretien avec le nouveau directeur de cette institution, qui fête ses 200 ans cette année.
L’Ecole de chimie fête ses 200 ans cette année, comment a-t-elle vu le jour ?
L’école a été fondée en 1822, au départ c’était un cours de chimie appliquée, qui a été créé sous l’impulsion des industries textiles mulhousiennes, pour répondre aux questions : comment teindre les textiles, essayer d’apporter d’autres coloris, d’autres tons… Et pour ça, ils avaient besoin de chimistes ! Sous cette impulsion, la ville de Mulhouse a créé l’école, qui était municipale au départ. La formation a évolué, jusqu’à prendre une dimension plus technologique, qui s’est étoffée au fur et à mesure, pour se diversifier vers la chimie au sens large. En 1965, l’école rejoint le Campus de l’Illberg, elle est nationalisée en 1977 et est indépendante jusqu’en 2006, date à laquelle elle intègre l’Université de Haute-Alsace (UHA).
En 2006, il y a aussi l’explosion de l’école…
Oui, le bâtiment de recherche, situé le long de la ligne de tram, a été soufflé et c’est suite à cet événement qu’il y a eu la reconstruction de l’Institut de recherche Jean-Baptiste Donnet. Il y a eu une modernisation de l’école, pour arriver à ce qu’on a maintenant, à savoir un outil de formation et de recherche qui est extraordinaire, moderne, efficace et agréable à vivre.
Ce qu’on leur enseigne, c’est la vraie vie !
Aujourd’hui, l’ENSCMu, c’est quoi ?
Aujourd’hui, l’ENSCMu forme des ingénieurs chimistes en trois ans, après un bac+2 mais propose également un cycle post-bac, qui fait la transition entre le baccalauréat et l’école d’ingénieurs. Nous accueillons 320 élèves, dont 270 répartis en trois promos sur les trois ans du cycle Ingénieur. Mais l’ENSCMu, ce n’est pas que de la formation, c’est aussi de la recherche. Nous avons quatre laboratoires de renommée internationale au sein de l’école : ce sont le laboratoire de Gestion et risques de l’environnement, le laboratoire d’Innovations moléculaires et applications, le laboratoire de Photochimie et d’ingénierie macromoléculaires, et l’Institut de Science des matériaux de Mulhouse. On a vraiment quatre domaines de recherches en chimie qui sont distincts et complémentaires, et qui font écho à ce qu’on enseigne à l’école. On essaie d’appuyer nos formations sur les laboratoires de recherche, dans lesquels il y a des chercheurs performants qui tiennent leurs disciplines à jour et ça se répercute par un enseignement moderne. Ce qu’on leur enseigne, c’est la vraie vie !
L’école a été fondée par des industriels, le lien avec l’industrie est-il toujours aussi fort 200 ans plus tard ?
Ce lien existe toujours, par le biais des laboratoires : chacun a des contrats de recherche ou de collaboration avec de grosses entreprises. Il y a aussi un deuxième lien avec les industries, parce qu’on demande à nos étudiants de passer au moins 17, voire 24 semaines, pendant leur formation, dans le milieu industriel, sous forme de stages. Et on a, en troisième année, un contrat de professionnalisation, à disposition pour les élèves de différentes options. Dans les prochaines années, on souhaite aller plus loin en proposant, dans la période des trois ans, une formation d’ingénieur en apprentissage. Aujourd’hui, nous avons également 43 intervenants issus du monde socio-économique, des industriels qui donnent des cours. Il y a un véritable dialogue entre les entreprises qui expriment leurs besoins en termes d’employabilité et nous, on peut faire écho, en adaptant nos formations.
D’où viennent les étudiants de l’ENSCMu ?
Nous avons beaucoup d’étudiants qui viennent de toutes les régions françaises, mais aussi des étudiants de pays étrangers : du Mali, du Burkina Faso, de Malaisie… Nous avons des partenariats avec des universités chinoises. L’essentiel de notre formation est délivré en français, au moins pour les deux premières années. Ce qui est important pour les étudiants qui viennent, c’est de s’intégrer dans cette culture française, de voir comment on fait de la chimie en France. Nous sommes en train de réfléchir à internationaliser notre troisième année, en intégrant des cours en anglais, avec deux objectifs : rôder les oreilles de nos étudiants à autre-chose que du français et surtout, ça permettrait de rendre notre formation en troisième année attractive vis-à-vis d’autres pays.
Quels sont les débouchés ?
Plus de 70% de diplômés travaillent dans la chimie et l’industrie, mais on touche des secteurs différents comme la banque, l’informatique… Le secteur bancaire est très friand de chimistes et d’ingénieurs au sens large, car ce sont des profils qui savent s’adapter et sont très réactifs. Il y a une rigueur de travail, une méthodologie, un état d’esprit cartésien… Ce sont des profils qui plaisent !
Vous avez pris la direction de l’école en décembre dernier, quels sont vos projets pour ce mandat ?
Nous allons développer les filières en apprentissage, en plus de ce qui existe déjà. Dans un premier temps, nous allons créer une promo d’une vingtaine d’étudiants, pour la rentrée 2023. Ça va renforcer le lien avec les entreprises, chaque apprenti ayant un maître d’apprentissage, qui va être impliqué dans les décisions de l’école… L’autre projet important est l’internationalisation, j’aimerais faire en sorte que les étudiants puissent passer un semestre complet dans une entreprise ou une université à l’étranger, contre 12 à 17 semaines aujourd’hui. Ensuite, il y a tout un développement à faire au niveau de l’école. Le chimiste, au sens le plus large, a un rôle à jouer dans la société. L’image de la chimie est archaïque et on doit montrer ce que la chimie apporte à la société. On parle beaucoup de transition énergétique et écologique, et le chimiste a beaucoup de choses à faire, comme des procédés de production éco-compatibles, moins couteux en énergie, moins polluants… Nous devons adapter notre formation à l’évolution de la société.
« La chimie est partout »
L’Ecole de chimie se tourne aussi vers le grand public, avec notamment la création d’un jeu…
Il y a une dimension de médiation scientifique, avec l’idée de faire passer un certain nombre de notions dans la société, de montrer que la chimie est ludique et qu’elle est partout, de la chaise sur laquelle on s’assoit au verre de vin que l’on boit… La chimie est partout et on le revendique, nos étudiants et les 13 associations étudiantes de l’école sont aussi d’excellents ambassadeurs et font régulièrement des actions et ateliers à destination des scolaires ou du grand public, pour que les gens puissent toucher à la chimie et se rendre compte que ce n’est pas si mauvais que ça. La médiation est importante et cela se traduit aussi par le jeu qu’on a créé pour les 200 ans de l’école, Chemical Links, qui fait le lien entre les objets de la vie courante et ce qu’il y a de chimique derrière.
Justement, quel est le programme de cette année anniversaire ?
Nous avons eu une semaine inaugurale, avec notamment l’inauguration d’une exposition, le lancement du jeu, une course colorée pour nos étudiants, et la présence du char de l’Ecole de Chimie au Carnaval de Mulhouse. Début avril, l’exposition sera visible au Musée de l’impression sur étoffes, des ateliers de teinture textile y seront aussi proposés par nos étudiants ; en juin, nous aurons un stand de médiation scientifique lors du festival JAIM ; au mois de juillet, l’exposition ira à la Maison du patrimoine, qui organisera des visites guidées des différents sites historiques de l’Ecole de chimie à travers la ville… On terminera l’année par la remise des diplômes et un colloque scientifique international… Enfin, pour sceller tout ça dans la mémoire, on est en train d’éditer un recueil de biographies, de témoignages, en partenariat avec la Société industrielle de Mulhouse, toujours dans l’idée de monter aux gens ce qu’il se passe à l’Ecole de chimie. Ce n’est pas qu’un grand bâtiment blanc, il y a des gens qui y travaillent et il y a une histoire !
+ d’infos sur www.enscmu.uha.fr et www.facebook.com/enscmu
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