28 mars 2021 à 10h56 par Christophe Schmitt 1 914 1
Ballet du Rhin : « Il nous manque l’interaction »
28 mars 2021 à 10h56 par Christophe Schmitt1 9141
La fermeture des salles de spectacle ne met pas pour autant les acteurs culturels à l’arrêt. Entretien avec Bruno Bouché, le directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin, dont les danseurs poursuivent le travail, sans perspectives à court terme.
C’est une saison particulière pour vous…
Plus qu’une saison, on est presque sur un an d’arrêt, même si on a eu la chance de pouvoir remonter sur scène en septembre et octobre, chose que toutes les compagnies n’ont pas pu faire… Nous avions la chance d’avoir des spectacles très tôt, en automne. On est dans quelque-chose de tellement complexe, on essaie de maintenir des activités, on a réussi à faire des créations mais sans public… Il y a des gens qui ne voient pratiquement plus personne, nous on est dans les studios au quotidien, on danse, on partage, on a quand même des projets pour l’avenir. Mais ce qui est complexe, c’est le moment présent, de ne pas avoir de réelle perspective pour la suite. On travaille en studio sur des projets qu’on crée mais on a une impression de gâchis. Ça devient compliqué d’avoir l’impression de ne pas être utiles alors que c’est tout le contraire. Je crois que l’être humain est avant tout un être de culture.
« Le moral est bon, parce qu’on est un groupe, qu’on se soutient, qu’on travaille »
Dans quel état d’esprit sont les danseurs ?
On a la chance d’avoir des rapports sociaux, on essaie d’être très actifs. Là, je les relance sur un projet de soirée de danseurs-chorégraphes pour le tout début de la saison prochaine, donc ça les fait travailler sur une perspective, un imaginaire… On crée vraiment des moments qui leur permettent de garder le moral. Je pense qu’on s’essouffle beaucoup, tous. On a fait tout ce qui était possible pour essayer de poursuivre une activité mais le cœur de notre activité, c’est d’aller dans les théâtres et d’avoir cette rencontre avec le public, d’être dans le spectacle vivant. Mais globalement, le moral est bon, parce qu’on est un groupe, qu’on se soutient, qu’on travaille. Je trouve qu’on est en train d’abimer des artistes. Dans la compagnie ça va, mais dans d’autres compagnies beaucoup d’artistes sont en train de s’arrêter parce qu’ils ne trouvent pas de sens à ce qu’ils font…
Comment s’organise le quotidien ?
Le premier déconfinement a été plus compliqué que le confinement lui-même, nous n’avions pas de tests et savions très peu de choses du virus… On a réussi à refaire des petits groupes, des petites répétitions. Dans un premier temps, ça nous a fait du bien de nous retrouver, même masqués, avec des cours d’une heure, la désinfection du studio entre chaque groupe… J’ai l’impression qu’on ne pourrait pas revenir à ça. À la rentrée, on a mis en place des tests hebdomadaires, grâce à la Ville de Mulhouse et la Région Grand Est, entre autres… Parfois, on doit fermer la compagnie pendant 7 jours s’il y a un cas positif, pour éviter le cluster… On a notamment dû annuler deux représentations à Strasbourg… On a toujours avancé sans attendre les directives du Ministère de la Culture, qui n’arrivaient jamais en fait. On navigue à vue, on ne sait pas encore si dans 15 jours on devra ou non annuler les spectacles…
Vous avez également fait des captations…
C’est un souhait pour nous de garder un lien avec le public. Et on est très heureux de proposer ce type d’objet artistique. Ça fait beaucoup de bien aux danseurs de se retrouver dans une salle de spectacle, même si c’est pour de la vidéo, ça crée quand même quelque-chose. Mais c’est aussi très frustrant, il nous manque l’interaction. On a fait plusieurs captations, le programme Spectres d’Europe, Danser Mozart est passé sur Arte concert, la Gran Partita… Ça donne une visibilité au travail, les danseurs n’ont pas l’impression de travailler pour rien mais ça reste frustrant. En plus, ce n’est qu’un « one shot », on n’a pas la série de spectacles, qui est importante pour s’approprier une œuvre, en profiter, continuer à la travailler…
« Notre mission principale est d’être sur un plateau, avec 32 danseurs, des décors, des costumes, un orchestre ! »
L’horizon est flou mais avez-vous des projets ?
Oui, on a prévu des choses. La difficulté, c’est qu’on devait reprendre Maria de Buenos Aires de Piazzolla, qui a déjà été captée pour Arte concert. On l’a quand-même remonté et les représentations sont prévues fin avril mais on imagine qu’on va devoir les annuler et on n’a pas de perspective en terme de captation. On aura des tournées l’année prochaine avec ce spectacle, donc ça permet aux danseurs de ne pas avoir le sentiment d’avoir travaillé pour rien. Ensuite, pour la fin de saison, j’ai imaginé des projets en extérieur. On est en train de remonter des pièces de Trisha Brown, une chorégraphe américaine qui avait monté, avec sa compagnie, des pièces à l’extérieur, des mini-performances qui peuvent se faire dans des parcs et même sur l’eau. On met ça en place pour le mois de juin. Contrairement aux performances que l’on peut faire dans l’espace public, ce sera un vrai spectacle prévu dans la ville, un concept avec un parcours réfléchi.
Danser dans l’espace public permet aussi de faire découvrir le ballet à des gens qui ne le connaitraient pas ?
Oui, nous avons toujours cette volonté. On a aussi pu développer le travail de médiation culturelle cette saison, essentiellement par le biais du numérique. On aimerait encore plus chercher les publics qui n’ont pas accès directement, qui ne s’autorisent pas ou qui se disent que ce n’est pas pour eux. Là, on va aller travailler dans les Ehpad, les écoles, avec des mini-performances. On a fait une captation avec une caméra 360 degrés à Motoco et à La Filature, c’est un objet numérique qui ira vers les publics éloignés aussi… On essaie d’être imaginatifs mais ce n’est pas le cœur de notre métier. Ce sont des missions qu’on fait avec plaisir, mais nous devons faire attention car c’est aussi la mission de beaucoup de petites compagnies indépendantes, qui ont besoin de ça pour vivre. Nous ne devons pas prendre leur place, notre mission principale est d’être sur un plateau, avec 32 danseurs, des décors, des costumes, un orchestre !
+ d’infos sur www.operanationaldurhin.eu et fr-fr.facebook.com/operanationaldurhin
Et oui , j’imagine le frustration de ne pas danser devant un public. Nous les professeur de danse en souffre de ne pas pouvoir voir nos élèves dans les conditions correcte……..le motivation et la morale prend un coup a chaque décision fait pas les gens incompétent qui nous inflige des nouvelles protocoles……déprimant !