28 septembre 2023 à 17h40 par Simon Haberkorn 1 581 1
Les tours Plein Ciel des Coteaux, héroïnes de bande-dessinée
28 septembre 2023 à 17h40 par Simon Haberkorn1 5811
Enfant des Coteaux, le journaliste et auteur Pierre-Roland Saint-Dizier vient de publier, avec l’illustrateur Michaël Crosa, la bande-dessinée Plein Ciel. Se déroulant intégralement dans la résidence Plein Ciel, aux Coteaux, l’auteur y mêle fiction et souvenirs d’enfance pour délivrer un message fort sur l’humanité dans ce « village vertical ».
Pierre-Roland Saint-Dizier, quel est votre parcours ?
Je suis né à Mulhouse, en 1976, et j’ai vécu mes vingt premières années dans l’une des deux tours Plein Ciel du quartier des Coteaux, au 16e étage, avec toute ma famille. J’y ai forgé tous mes souvenirs d’enfance et c’est là qu’est née mon envie de raconter des histoires, en imaginant des jeux et des histoires avec mon frère. Après mes études à Strasbourg et mon service militaire en Afrique, je suis devenu journaliste pour L’Ami Hebdo, à Mulhouse. C’est en couvrant le festival Bédéciné d’Illzach, que j’ai redécouvert la grande diversité du 9e art, après une enfance bercée par Tintin, Astérix ou Iznogoud. J’ai eu envie de me lancer dans l’écriture de BD et j’ai commencé par l’écriture de BD historiques. J’en ai publié plusieurs, sur des sujets très variés, et notamment une trilogie sur Saint-Exupéry. Je vis désormais à Albi où je travaille également, comme journaliste.
Pourquoi avez-vous décidé d’écrire une BD qui se déroule à Plein Ciel ?
L’idée me trottait dans la tête depuis un moment. Elle est notamment née à la suite de la réalisation du livre Des hommes et des tours, que nous avons rédigé avec Marie-Claire Vitoux et Didier Burcklen, en 2010, pour le 50e anniversaire des Coteaux. La rédaction de cet ouvrage m’a permis de me réapproprier l’histoire de mon quartier, qui fait partie intégrante de l’histoire de Mulhouse et reste méconnue. Les Coteaux sont souvent stigmatisés et je tenais à en montrer un autre aspect, celui de l’humanité que l’on retrouve dans ces tours. J’ai vécu une enfance heureuse dans cette tour de 22 étages et dans ce quartier, où j’ai beaucoup de bons souvenirs.
La BD est-elle une pure fiction, ou vous êtes-vous inspiré de vos souvenirs d’enfance ?
L’histoire se déroule à la fin des années 90, ce qui me permet de parler de choses que j’ai connues, car le quartier a continué à évoluer. C’est une fiction mais j’ai puisé dans mes souvenirs d’enfance pour l’écrire, avec notamment des personnages inspirés par mes anciens voisins. Le rituel du passage à la boîte aux lettres, les pannes d’ascenseur, les échanges entre habitants, les moments de pause sur la terrasse de la tour, avec sa vue incroyable sur la ville et les Vosges, tout cela m’a inspiré et se retrouve dans l’ouvrage. L’ouvrage s’ouvre par un suicide et ça aussi c’est arrivé, ce sont des choses qui marquent et qui faisait rapidement le tour du quartier. Avec 144 appartements, les immeubles Plein Ciel sont de véritables villages à la verticale, où les cages d’escalier et les couloirs sont les rues.
Qu’aimez-vous dans ce « village à la verticale » ?
La diversité culturelle, d’horizons, d’âges et d’origines qu’on y retrouve est très intéressante. Ce sont des lieux de cohabitation, d’échanges, de solidarité où chacun vit sa vie quotidienne. Les appartements, d’apparence similaires, sont en réalité très différents, chacun aménage le sien à sa façon. Dans la BD, on rentre dans l’intimité de ces différents espaces, on suit la vie de ces gens à un moment où plusieurs évènements leur tombent dessus. Dans mes ouvrages, il y a toujours un côté engagé, un message. Là, j’ai voulu mettre en avant cette intimité et ces relations de voisinage qui font partie de notre quotidien et sont précieuses, loin de l’individualisme.
Comment s’est passée la collaboration avec l’illustrateur Michaël Crosa ?
C’est la première fois que nous travaillons ensemble avec Michaël Crosa et j’espère que ce n’est pas la dernière ! Il a un coup de pinceau fantastique, avec un grand souci du détail et ses illustrations rendent l’histoire très vivante et expressive. Il a tout fait à la main, et en couleurs, ses planches originales sont d’ailleurs exposées à la bibliothèque Grand’Rue (lire ci-dessous). Michaël vit à Draguignan où il travaille à mi-temps comme exploitant agricole, il cultive des oliviers et dessine aussi, quand il en a le temps car se sont deux métiers très prenants ! Nous avons travaillé plus de deux ans ensemble, ainsi qu’avec nos deux éditrices, qui ont un rôle très important. C’est une très belle collaboration.
Comment la BD a elle été accueillie depuis sa sortie ?
Les retours sont très bons, elle a l’air de faire l’unanimité, tant pour la qualité des dessins que pour l’histoire, qui touche et interpelle, et cela fait très plaisir ! Il y a toujours une appréhension à présenter son travail quand on s’y est consacré à fond. La BD est un support très grand public et cela fait plaisir de partager notre travail avec le plus grand nombre. Elle va maintenant continuer à vivre sa vie et nous allons la présenter dans différents festivals, comme ceux d’Angoulême et de Saint-Malo. Je sais aussi qu’ici, à Mulhouse, elle va être regardée avec un œil différent…
Avez-vous suivi l’actualité compliquée des tours Plein Ciel, ces derniers mois ? (Lire notre article)
La rédaction du livre a commencé bien avant qu’on sache que ces tours allaient probablement disparaître. Pour moi, ces tours sont ma maison et, quelque part, elles sont éternelles ! Leurs difficultés me touchent particulièrement et je suis ça avec beaucoup d’intérêt, même si c’est un sujet complexe et que je ne peux malheureusement rien faire… Certains de mes anciens voisins vivent ici depuis plus de 50 ans…
Plein Ciel, éditions Ankama, 96 pages, 16,90€. Disponible en librairie et sur ankama-shop.com
Une exposition et des dédicaces autour de Plein Ciel
De retour dans sa ville natale pour présenter Plein Ciel, Pierre-Roland Saint-Dizier sera accompagné, ce week-end, par l’illustrateur Michaël Crosa, notamment pour des échanges et ateliers avec deux classes de 5e du collège Jean Macé. Ce vendredi 29 septembre à 19h, ils participeront au vernissage de l’exposition « Bienvenue à Plein Ciel. Quand Mulhouse devient décor de BD », présentée à la bibliothèque Grand’Rue, jusqu’au 28 octobre. On y retrouve les belles planches originales de la bande-dessinée, accompagnées de photos historiques provenant des Archives municipales. L’auteur et l’illustrateur seront également présents à la librairie Tribulles, 15, rue des Tanneurs, ce samedi 30 septembre de 15h à 19h, pour des échanges et des dédicaces.
Plein Ciel une entité particulière qui ne laisse pas indifférent, même si on n’y a pas vécu, mais j’y venais souvent de 6 mois en 6 mois jusqu’au décès de mes parents vers 2012.. qui y habitaient..(avec les constats des évolutions du quartier ,de celle des résidents,) .. j’ ai toujours considéré que ce monde là méritait qu’on s’y attarde, et je suis ravie que quelqu’un l’ai fait, me réjouissant de découvrir cette BD , car j’ai quitté Mulhouse en 1970 pour rejoindre la région parisienne en1973.
Je suis très attristée par le sort qui attend ces deux tours, d’autant qu’esthétiquement elles avaient un certain attrait, avec ses panneaux de galets et mosaïques !
et la chance de posséder des balcons spacieux, et des appartements qui l’étaient également proportionnellement aux nombres de pièces…Ma mère disait
‘ici on respire » – côté « contreforts du Jura » et ravie de retrouver « en ville » grâce aux transports en commun, son monde de commerçants, sans oublier le relationnel de la « tour ».
Nostalgie…